Le Gouvernement a transmis pour consultation au Conseil national de la transition énergétique (CNTE) et au Conseil économique, social et environnemental (Cese), l'avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique, dans l'objectif de présenter le texte en Conseil des ministres, fin janvier ou début février.
Très attendu, ce texte fait de nombreux surpris et déçus. En effet, s'il révise certains grands objectifs de la politique énergétique pour les mettre en adéquation avec les objectifs européens et l'ambition de neutralité énergétique, il reste flou sur le rythme de déploiement des énergies renouvelables. Pire : il supprime du code de l'énergie une partie des objectifs initialement inscrits sur la part d'énergies renouvelables dans la consommation finale ou le développement de la production renouvelable.
Une volonté de « neutralité technologique », balaie l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher, qui renvoie à la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui sera arrêtée par décret ultérieurement et détaillera les objectifs à 2030 et 2035 pour chaque technologie.
Pourtant, le projet de loi est très précis sur la relance du nucléaire et les outils pour y parvenir. « Notre objectif est de produire plus d'électricité que nous n'en consommons » pour ne pas dépendre des importations et de la météo, a expliqué la ministre de la Transition énergétique sur France Info, le 8 janvier. Le nucléaire est donc replacé au centre de la politique énergétique. Les énergies renouvelables non pilotables interviennent, quant à elles, pour assurer le bouclage énergétique ou « le dernier kilomètre », selon le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher. De simples variables d'ajustement donc ? Pas vraiment non plus, puisque la mise en service des futurs EPR ne devrait pas intervenir avant 2035. Les ENR devront donc assurer des besoins électriques croissants d'ici là, « en complément » du parc nucléaire existant optimisé.
Un mix décarboné et compétitif
Le projet de loi fixe également des objectifs d'économies d'énergie à atteindre chaque année entre 2021 et 2035, soit une fourchette de 1 250 à 2 500 térawattheures cumulés (TWhc) sur deux périodes (2026 à 2030 et 2031 à 2035). Les objectifs de rénovation performante à 2050 ont en revanche été supprimés.
A contrario, le texte soumis à consultation précise, qu'« en matière d'électricité, la programmation énergétique conforte le choix durable du recours à l'énergie nucléaire en tant que scénario d'approvisionnement compétitif et décarboné » et décline des objectifs précis. Il s'agit ainsi de maintenir la puissance installée d'au moins 63 gigawatts (GW), autrement dit le parc actuel et l'EPR de Flamanville, avec une disponibilité du parc d'au moins 66 % (jusqu'à 75 % à partir de 2030) afin d'assurer « un socle de sécurité d'approvisionnement jusqu'en 2035 ».
De nouveaux objectifs sont aussi ajoutés pour maintenir la puissance installée des installations de production d'électricité pilotables hors nucléaire « en visant une conversion progressive à des combustibles bas carbone des installations pilotables thermiques, intervenant dès 2027 pour les installations à combustible charbon ». Il s'agit là de maintenir des moyens de production mobilisables pour la pointe de consommation, voire l'ultrapointe, quelques heures par an.
Sur le renouvelable, la France vise « une part de 45 % de chaleur et de froid renouvelables dans la consommation de chaleur et de froid en 2030 et de 55 % en 2035 ». Le développement des ENR électriques tend à assurer « conjointement aux moyens pilotables (…) la couverture des besoins en électricité décarbonée ». Le projet de loi prévoit également de favoriser le développement des flexibilités nécessaires à l'optimisation et à la sécurité du système électrique (modulation de la demande et de la production, stockage).
L'objectif pour les territoires ultramarins est révisé : leur mix électrique devra être 100 % renouvelable à l'horizon 2030 et l'autonomie énergétique sera visée à 2050.
Anticiper de nouvelles capacités nucléaires et hydroélectriques
Le projet de loi anticipe également la fin de vie des réacteurs nucléaires existants, en fixant notamment « l'objectif qu'au moins 9,9 GWe de nouvelles capacités soient engagées d'ici à 2026 et que des constructions supplémentaires représentant 13 GW soient engagées au-delà de cette échéance ». Il prévoit le maintien des installations de retraitement et de valorisation des combustibles. Enfin, il institue, dans le cadre de la réforme du marché de l'électricité, un « versement universel nucléaire » à partir de 2026, la possibilité pour les installations nucléaires de bénéficier des compléments de rémunération en cas de nouveaux investissements ou encore le développement des contrats pour différence (CFD) sur le parc historique.
Le projet de loi anticipe également la fin du contentieux européen sur les concessions hydroélectriques en prévoyant une ordonnance dans les dix-huit mois pour détailler le nouveau dispositif. Le Gouvernement espère convaincre la Commission européenne d'une bascule vers un régime d'autorisation. L'objectif est de débloquer les investissements pour réaliser des gains de capacité supplémentaire, mais aussi des capacités de stockage pompage (Step), explique le cabinet de la ministre.
Enfin, le texte dessine le futur mécanisme de capacité auquel pourront participer les installations de production, de stockage ou d'effacement de consommation. Il prévoit notamment une obligation de certification pour toute installation de production de plus de 12 mégawatts (MW) et une rémunération des capacités par les fournisseurs.