En novembre 2019, la France se fixait pour objectif d'atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050 à travers la loi dite « Énergie-climat » (LEC). Quatre ans plus tard, « la marche reste encore haute pour accéder à la neutralité carbone », constate le député Renaissance, Pascal Lavergne. Le 9 mai, il a présenté, aux côtés de la députée socialiste, Marie-Noëlle Battistel, un rapport d'évaluation (1) de la LEC devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Un coup d'œil dans le rétroviseur qui tombe à point nommé : la première loi quinquennale de programmation énergie-climat (LPEC), prévue par la LEC, devait être présentée dans les mois à venir.
Quatre ans plus tard, bilan mitigé
Réalisé à l'aide de 25 auditions parlementaires menées sur cinq mois, le rapport d'évaluation émet d'abord plusieurs observations au regard des évolutions apparues en quatre ans. Plusieurs développements législatifs ont modifié ou sont revenus sur les dispositions de la loi. La loi Pouvoir d'achat d'août 2022 a par exemple acté la reprise des activités de la centrale à charbon de Saint-Avold, que la LEC prévoyait de fermer définitivement. Tandis que la loi Climat et résilience d'août 2021 a donné, à l'inverse, un coup d'accélérateur à la rénovation énergétique des bâtiments en interdisant, dès janvier 2023, la location de « passoires thermiques ».
Dans le même temps, de nombreuses mesures promises par la LEC n'ont toujours pas été prises, ou que trop partiellement. Dans le domaine de l'hydroélectricité, le suréquipement des concessions n'a « toujours pas été mis en œuvre », souligne la rapporteure PS, qui demande au Gouvernement de « débloquer en urgence les dossiers de demande de suréquipement des concessions hydroélectriques encore en attente, (pour contribuer) à améliorer la sécurité d'approvisionnement en électricité ». En outre, la lutte engagée contre la fraude aux certificats d'économies d'énergie (CEE), par la création d'un système de contrôles, s'avère insuffisante, selon les rapporteurs. Ces derniers préconisent même un renforcement des « exigences liées à l'octroi de la qualité "reconnu garant de l'environnement" (RGE) et veiller à ce que les manquements aux exigences qui s'y rattachent fassent bien l'objet de signalements » et le maintien de « moyens suffisants pour le Pôle national des certificats d'économies d'énergie (PNCEE) afin de ne pas minorer le volume de contrôles ».
La préparation d'une première LPEC encore floue
Cette récente activité législative, prenant les devants sur la prochaine LPEC, inquiète justement la rapporteure socialiste. « Les choses ont été faites à l'envers de toute logique : il aurait été plus pertinent de commencer par la loi de programmation, qui fixera les objectifs, et de poursuivre par les lois qui nous auraient donné les moyens de les atteindre », en particulier celles relatives au nouveau nucléaire et à l'accélération des énergies renouvelables, analyse Marie-Noëlle Battistel. Pour respecter l'agenda fixé en 2019, la LPEC devait être présentée avant la fin du mois de juillet prochain. Le projet de texte sera finalement dévoilé par la Première ministre « d'ici à l'automne ». Par ailleurs, la loi doit être précédée de la remise d'un rapport d'évaluation, encore en attente, des objectifs de la précédente Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Cette atmosphère rend perplexe jusqu'au président de la commission parlementaire, Guillaume Kasbarian (Renaissance) : « À ce stade, les conséquences d'un non-respect de l'obligation de présenter, puis d'adopter, une LPEC ne sont pas définies. Il faut rapidement engager un travail de concertation avec chacun des groupes parlementaires en amont de la présentation de ce projet de loi pour en débattre sous les meilleurs auspices et dans les meilleurs délais. » Le rapport d'évaluation de la LEC propose ainsi plusieurs leviers pour préparer au mieux ce débat : saisir l'avis du Haut Conseil pour le climat (HCC) pour y contribuer (et ainsi « renforcer ses liens avec le Parlement ») ; auditionner Antoine Pellion, le secrétaire général à la Planification écologique ; mais également prendre en compte le bilan du plan de sobriété énergétique et y inclure des objectifs en la matière.