Par un jugement du 14 mars 2024, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de deux associations (1) de protection de l'environnement, un arrêté du préfet du Finistère portant enregistrement de l'extension d'un élevage de porcs. Une illustration intéressante de la non-prise en compte par les services de l'État du cumul d'incidences des élevages sur l'environnement et de la sensibilité du milieu récepteur.
En décembre 2019, l'exploitant avait déposé une demande portant sur l'extension de son élevage porcin situé à Plougonvelin (Finistère), pour le porter de 1 269 à 2 014 animaux équivalents, ainsi que sur la mise à jour du plan d'épandage associé. Le dossier, complété en mars 2020, avait été déclaré complet par le préfet en avril 2020. Ce dernier a pris un arrêté d'autorisation simplifiée, ou enregistrement, le 12 janvier 2021.
Le nombre de porcs de production étant inférieur à 2 000, le projet d'extension relevait bien du régime d'enregistrement au titre de la législation des installations classées (ICPE), relève le tribunal. Mais, si les installations soumises à enregistrement sont, en principe, dispensées d'une évaluation environnementale préalable à leur enregistrement, le préfet « doit, en application de l'article L. 512-7-2 du code de l'environnement (2) , se livrer à un examen particulier du dossier afin d'apprécier si une évaluation environnementale donnant lieu, en particulier, à une étude d'impact, est nécessaire, notamment au regard de la localisation du projet et de la sensibilité environnementale de la zone d'implantation ». Et le tribunal de rappeler : « Ces critères doivent s'apprécier, notamment au regard de la qualité et de la capacité de régénération des ressources naturelles de la zone concernée, indépendamment des mesures prises par le pétitionnaire pour limiter l'impact de son projet sur l'environnement ».
En l'espèce, les juges relèvent toute une série d'éléments qui caractérisent la sensibilité environnementale du milieu et qui font que le projet aurait dû « faire l'objet d'une évaluation environnementale et, en conséquence, être instruite selon la procédure d'autorisation ». En premier lieu, l'élevage se trouve à 1,6 km de la côte et à proximité immédiate d'un ruisseau ; un autre élevage de porcs de 3 760 animaux est situé à moins d'un kilomètre de celui du demandeur, ce que ce dernier a déclaré dans son formulaire de demande mais que l'inspection des installations classées a écarté ; le cumul d'incidence du projet avec l'élevage de vaches laitières exploité sur le même site et avec l'élevage de porcs voisins n'a pas été apprécié. En deuxième lieu, il n'est pas garanti que « la teneur en azote ne sera pas dépassée sur les parcelles effectivement épandables », qui se situent en zone d'action renforcée au titre du programme d'actions régional « nitrates ». Enfin, une partie des parcelles du plan d'épandage se situent à proximité d'une zone Natura 2000, d'une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (Znieff) et d'une masse d'eau dont la qualité a été qualifiée de « globalement dégradée » par le plan d'aménagement et de gestion durable du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) du Bas-Léon.