Des élus, comme le sénateur Ronan Dantec ou le député Jean-Marc Zulesi, des acteurs économiques, comme les P-DG de Veolia et de la Maif, Estelle Brachlianoff et Pascal Demurger, des membres de laboratoires d'idées (Benoît Leguet, directeur d'I4CE) ou encore des chercheurs (la glaciologue Heidi Sevestre) : mardi 23 janvier, au Muséum national d'histoire naturelle, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, réunira une dizaine d'experts en présence de quelque 350 participants, représentants de la société civile, pour échanger sur les enjeux de l'adaptation au changement climatique du pays et sur les solutions à lui apporter.
S'il a surtout vocation à faire caisse de résonance et à lancer le débat auprès des décideurs et du grand public, l'événement, baptisé « La France s'adapte », pourra aussi contribuer à enrichir la prochaine version du Plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc 3). Encore en préparation dans les services du ministère, après la finalisation du diagnostic en décembre, celui-ci devrait en effet faire l'objet d'une réunion d'arbitrage interministérielle à la fin du mois de février, puis être mis en consultation au début du printemps auprès du public d'une part, des secteurs concernés (monde économique, santé, école… ) d'autre part, avant sa publication l'été prochain. Évolution du droit du travail, des normes architecturales ou des référentiels sur les infrastructures, plans de prévention locaux, lutte contre les incendies, indemnisations… Ce programme recensera une cinquantaine de mesures concrètes à mettre en œuvre autour de quatre grands axes : protéger les Français ; adapter les territoires, les infrastructures et les services ; assurer la résilience de l'économie ; et préserver les milieux naturels et culturels.
Pas d'autres options
Le document fixera aussi les étapes à envisager dans l'optique d'une augmentation moyenne des températures de 4 °C d'ici à 2100 par rapport à 1900, en France métropolitaine, ainsi que le partage des financements, des responsabilités et des tâches entre l'échelon national, celui des collectivités locales et celui des entreprises. D'ici quelques semaines, la mission chargée en mai dernier par Christophe Béchu et Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, de travailler sur l'assurabilité des risques climatiques devrait par ailleurs rendre son rapport. L'année 2024 devrait ainsi devenir celle de l'adaptation, promettent à l'unisson Christophe Béchu et Antoine Pellion, secrétaire général à la Planification écologique. « Une année, si j'ose dire, où nous allons passer du constat, de la sortie du déni à la mise en œuvre des mesures qui sont nécessaires », ajoute le ministre de la Transition écologique.
Écoles, bâtiments et réseaux exposés
En 2030, la France devrait afficher 2 °C supplémentaires. En 2050, le niveau pourrait passer à plus de 2,7 °C. En corollaire, le pays devra notamment affronter des vagues de chaleur plus nombreuses, plus longues, plus sévères, plus précoces et plus tardives, affectant par exemple neuf écoles sur dix et près de 11 millions de biens immobiliers exposés au phénomène de retrait-gonflement de l'argile. En parallèle, 50 % du réseau ferré et 70 % des routes seraient concernés par un risque fort ou très fort d'ici à 2100. Ne pas regarder la nécessité de l'adaptation en face, « c'est être dans le déni », a donc tranché Christophe Béchu, lors d'un échange avec la presse, vendredi 19 janvier. Les experts du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), réunis à Istanbul pour l'ouverture de leur nouveau cycle de travail, n'en ont pas jugé autrement puisqu'ils ont décidé de mettre l'accent sur ce sujet dans leur prochaine synthèse, avec notamment pour objectif d'établir des indicateurs de mesure des efforts en la matière.
Un portage politique de haut niveau, des travaux préliminaires de qualité, un sujet qui investit le débat public : certaines conditions semblent réunies pour que ce Pnacc 3 produise plus d'effets que ses prédécesseurs, analyse de son côté l'Institut I4CE dans une étude publiée jeudi 18 janvier. Mais pour entraîner l'ensemble des acteurs, cela ne suffira pas préviennent ses spécialistes. « La politique d'adaptation, par nature transversale et touchant à des enjeux régaliens, ne pourra avancer au rythme nécessaire sur la seule base d'une compilation de mesures techniques et d'études », préviennent-ils.
Un nouveau service public
Pour ces derniers, il sera ainsi indispensable de déployer également des moyens publics, notamment humains, inscrits dans la prochaine loi de finances. « Les collectivités et les acteurs privés vont devoir très rapidement monter en compétences sur ce sujet et l'intégrer à leur stratégie ou leurs politiques. Pour cela, ils vont avoir besoin de données, de connaissances, mais aussi d'accompagnement pour savoir comment se saisir de ces informations », détaillent-ils. Cette nécessité pourrait être assurée par le lancement d'un nouveau service public dédié à l'adaptation. Agile et doté de suffisamment de nouveaux effectifs aux compétences variées, il viendrait orienter et compléter l'offre existante des opérateurs publics.
À ce dispositif, I4CE propose d'ajouter une trajectoire de réchauffement dotée d'une réelle valeur juridique et, pour ne pas perdre de temps inutilement, de veiller à lancer dans le même temps des études et la programmation des futures actions : des recherches sur la vulnérabilité des réseaux de transport et des plans d'investissement ciblés sur les « points chauds » à identifier, par exemple des actions pour combler les manques de connaissance sur le comportement des bâtiments lors de vague de chaleur, et un calendrier pour intégrer ces retours dans le prochain cycle de révision de la RE2020… Comme le souhaite Christophe Béchu, le débat est lancé.